Les JO de l'Hypnose
A juste titre, nous parlons souvent des ressources des patients face à l'adversité que procure leurs troubles, et du courage qu'il faut pour solliciter de l'aide. Par ailleurs, il faut une sacrée endurance pour s'engager dans des suivis parfois longs. En cela, on peut dire que les patients sont des personnes hors normes, qui subissent (malgré eux) un entraînement en prévision des épreuves successives. Ils n’ont pas le choix : ils doivent être performants et réussir ; se dépasser afin d’aller vers un devenir victorieux. Les JO de la maladie sont implacables et, ici, le plus importants n’est pas de participer, mais d’échapper à ce qui est le motif d’une souffrance.
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Les JO de l’hypnose !
Face aux patients qui parfois renâclent à aller voir un professionnel (« je ne veux pas être dépendant de la médecine », « ça fait bizarre de voir un psy », « vous avez plus grave à vous occuper »…) peut-être que nous pourrions changer notre façon de faire, ou du moins de présenter les choses?
Il s’agirait dans certains cas non plus d’accompagner le patient, mais de le préparer en vue de sa prochaine épreuve, qui promet d’être sportive! Il y a quelques semaines, c’est l’entrainement que je me suis imposé pour un patient dont je sentais que le cadre habituel, hospitalier qui plus est, n’était pas celui avec lequel il se sentait le plus à l’aise.
Plus que cela : le cadre semblait conforter et prolonger une vision de lui même comme étant un indécrotable malade, se motivant presque pour mobiliser sa plainte et me donner des éléments pour travailler.
Qu’est-ce que cela a eu comme incidence concrètement?
Je lui ai présenté cette métaphore de la compétition sportive, aidé bien évidemment par l’actualité, pour donner un autre sens à ses symptômes : l’objectif n’était plus de « lutter contre » mais de se mobiliser pour apprendre de chaque épreuve douloureuse. Le petit rien dans la gestion d’un moment ou d’un geste qui fait qu’un sportif devient un grand sportif.
J’ai pris l’exemple du coureur de 100 mètres qui s’entraine en répétant encore et encore ce moment crucial du départ dans les starting blocks, comme le patient doit répéter encore et encore sa façon de s’élancer à chaque douleur vers son objectif : tenir le bon rythme, avoir la bonne foulée vers la ligne finale du soulagement.
Egalement, je lui demandé de trouver 3 ressources clefs pour « challenger » sa pathologie et nous avons construit ensemble 3 exercices d’autohypnose s’il devait répéter chaque jour à 3 moments définis (exercices courts, cadrés). Mais aussi, j’ai stimulé son esprit de compétition en lui demandant d’identifier autour de lui 2 personnes qui sont ses « meilleures ennemies », c’est-à-dire qui son susceptibles de lui ravir la première place sur le podium de l’épreuve de la maladie, du fait de leur expérience ou simplement de compétences naturelles face à l’adversité. Il est clair qu’il en a profité pour régler quelques comptes…
Sur la grille du départ hypnotique, les 3 coureurs étaient alignés, mais deux ont finis dans le fossé avant d’atteindre la ligne finale…Enfin et surtout, nous avons travaillé ensemble sur le regard des autres, la question de la reconnaissance, ce que ressent un sportif de très haut niveau mais dans une discipline qui n’est pas celle que retient le public (qui connait le champion du monde de lancer de javelot?). Il s’agissait là bien entendu de travailler par analogie sur le handicap invisible, les efforts que l’on doit faire pour s’adapter au mieux à la vie de tous les jours et faire avec un entourage qui parfois ne reconnait pas les efforts nécessaires pour se hisser au rang de champion nécessaire pour vaincre ses motifs de souffrance.
A titre personnel, je considère qu’organiser des jeux paralympiques après les jeux olympiques est une insulte aux athlètes. Et que l’on n’aura progressé dans la reconnaissance des handicaps, de la maladie, de l’équité dans le traitement des citoyens, que lorsque les jeux réuniront dans une unité de lieu et de moment les jeux olympiques et paralympiques dans un même programme. Et donc qu’il n’y aura plus que « l’olympique », sans plus de distinction, enchaînant des épreuves aux conditions adaptées au profil des sportifs concernés. Cette métaphore mises en acte à l’échelle d’un suivi dans son ensemble est donc bien celle d’une épreuve olympique et non paralympique. Dans l’Antiquité, comme chacun sait, les jeux se tenaient à Olympie (Péloponèse) qui était d’abord un centre religieux.
Et si nos patients, avec tous les efforts et ressources déployées, se hissaient parfois au rang de demi Dieux… du stade ?